La Griffe intérieure

par Christine DEROIN • 2005

« Elle est coupable, elle le sait, l’a toujours su. » Ainsi s’ouvre, par une phrase lourde et grave qui donne d’emblée le ton, le nouveau roman de Christine Deroin. « Elle », c’est Apolline: un prénom bien trop doux, penserait-on, pour une grande faute. Pourtant, coupable, Apolline l’est: enfant, pendant la guerre, elle a dénoncé ses parents résistants, sa mère surtout, cette mère qui avait commis le crime de la gifler pour une vétille.
Et l’histoire a suivi son cours: la grande Histoire, avec les déportations en Allemagne et les camps de la mort; la petite, individuelle, celle d’Apolline, entre autres. Apolline a grandi. Jamais elle n’a rien dit de sa faute. Surtout pas à Michel, son mari. Ses parents? Elle a toujours été certaine qu’ils étaient morts. La preuve, ils ne sont pas revenus.
Or voici qu’au début du roman surgit de nulle part une vieille femme dans laquelle Apolline reconnaît aussitôt sa mère.
A elles deux, les héroïnes de Christine Deroin reconstituent presque tout le XXe siècle, avec ses crimes,ses révolutions, ses utopies, ses millions de destins individuels broyés par ce qu’Alexandre Soljénitsyne appelle « la Roue rouge », celle de l’Histoire, omniprésente ici. Il y a aussi dans ce roman, et peut-être surtout, la « griffe intérieure », lancinante, celle de la culpabilité. Mais, semble interroger l’auteur, n’est-ce pas elle, cette « griffe », qui permet à la personne d’exister face à l’Histoire?

« Un roman dense, sans concession, sans fioritures et magnifique. A lire absolument. » Annick Dor, « La librairie francophone », France-Inter